Même plusieurs années après le départ de l'entreprise, la requalification d'une démission en prise d'acte de la rupture du contrat reste possible. Si les manquements de l'employeur sont avérés, cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement abusif.
L'entreprise qui ne respecte pas ses obligations s'expose à une "prise d'acte de la rupture du contrat". Il s'agit pour le salarié de quitter son poste en imputant à l'employeur la responsabilité de ce départ.
Mieux encore, il est possible de revenir sur une démission, même après plusieurs années. Si le salarié peut prouver qu'il avait des griefs contre son employeur au jour de la rupture du contrat, son départ s'analysera en prise d'acte.
Un commercial âgé de 60 ans démissionne pour faire valoir ses droits à la retraite. Trois ans plus tard, l'ancien salarié agit devant les prud'hommes pour faire requalifier son départ en prise d'acte. Sa décision de quitter l'entreprise était en réalité justifiée par un retard de paiement de ses commissions, affirme-t-il.
Le commercial obtient en appel plus de 110 000 euros à titre de rappel de commissions et d'indemnités pour licenciement abusif. Décision que la Cour de cassation valide en deux temps.
La Haute Cour commence par rappeler que "la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail". Ainsi, si le salarié démontre par des circonstances antérieures ou contemporaine qu'à la date où il a donné sa démission sa volonté était équivoque, le juge doit l'analyser en prise d'acte de la rupture.
Dans cette affaire, le contrôle des magistrats est léger mais suffisant aux yeux de la Cour de cassation. En effet, le seul fait que le VRP ait continué à exercer son activité à titre libéral prouve qu'il n'avait aucune intention de prendre sa retraite, affirment les juges. Il ne s'agissait donc pas d'une démission.
Une fois la prise d'acte qualifiée, le juge doit en déterminer les conséquences. Celle-ci "produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission", confirme la Cour de cassation.
Ici, les juges relèvent que certaines commissions n'avaient pas été régularisées pendant l'exécution du contrat de travail et qu'une somme importante était encore due au salarié. L'employeur a donc manqué à ses obligations contractuelles de sorte que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement injustifié.
Cass soc., 4 février 2009, n°P07-40.336