Requalification de la relation contractuelle
Est sanctionné le montage visant à éluder un contrat de travail et les droits du salarié
Cour d'appel
Rennes
8e chambre prud'homale
Infirmation
N° 08/03081
Numéro JurisData : 2009-001404
Le portage salarial a fait l'objet d'une réglementation par la loi du 25 juin 2008 ayant institué l'article L. 1251-64 du Code du travail. Il s'agit d'un mode d'organisation du travail qui se situe entre le travail salarié et le travail indépendant et fait intervenir un salarié et un client et s'articule autour de deux conventions, à savoir le contrat de travail conclu entre la société de portage et le salarié porté et le contrat de prestation de service conclu entre la société de portage et l'entreprise cliente. Ce montage juridique s'adresse généralement à des professionnels de haut niveau agissant comme experts, consultants ou formateurs, entièrement autonomes dans leur prospection commerciale et leur intervention dans l'entreprise. Si les deux conventions litigieuses ont en l'espèce l'apparence du portage, il appartient à la Cour de rechercher si elles ne sont pas un artifice ayant permis à l'employeur de se libérer des règles beaucoup plus contraignantes du contrat de travail, les relations entre les parties s'étant poursuivies à l'issue de la période d'essai effectuée dans le cadre d'un contrat de travail dans une entreprise devenue l'entreprise cliente. C'est à tort que celle-ci indique, pour démentir le maintien du contrat de travail initialement conclu, que l'intéressé n'a pas exercé ses activités dans les mêmes conditions alors qu'il résulte des pièces versées qu'il a au contraire continué à exercer l'activité commerciale qu'il avait au départ en plus d'une activité nouvelle de formation. Cette continuité est confortée par la prime de 10% du chiffre d'affaires qui lui était versée, par l'objectif qui lui était fixé et par le contrôle de son activité, incompatible avec l'autonomie dont dispose un salarié porté. La société cliente a de plus exercé un pouvoir disciplinaire à son égard, qui s'est exprimé par la rupture anticipée de la mission confiée dans le cadre de la convention de partenariat. Le contrat de travail a donc été poursuivi dans les même conditions postérieurement à la rupture alléguée qui est en conséquence imputable à la société cliente, en réalité employeur, et est dénuée de cause réelle et sérieuse puisque intervenue sans motivation. Elle ouvre droit aux indemnités de rupture et à des dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-5 du Code du travail.
La société de portage salarial, qui connaissait parfaitement l'existence du contrat de travail entre la société cliente et l'intéressé, a commis une faute engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil en participant au montage qui s'est substitué au contrat de travail et était uniquement destiné à éluder les droits du salarié. De plus, les conventions litigieuses, signées sans que le salarié n'ait rencontré aucun représentant de la société de portage, ne mentionnaient pas la contrepartie financière initialement prévue en cas d'atteinte de l'objectif et il était prévu qu'il ne reçoive aucune rémunération pendant les mois d'été. Le salarié est donc recevable en sa demande de dommages-intérêts.
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