Si le seul recours ouvert par la législation nationale à des travailleuses licenciées pendant leur grossesse n'accorde pas de délais de recours adéquats, cette législation introduit un traitement moins favorable lié à la grossesse et constitue une discrimination contre les femmes salariées.
Le Code du travail luxembourgeois portant transposition de la directive 92/85/CE du 19 octobre 1992, interdit le licenciement d'une femme salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant une période de douze semaines suivant l'accouchement. Il soumet l'action en justice de la salariée licenciée pendant sa grossesse à un délai de quinze jours, à compter de la date de la résiliation du contrat pour introduire une action en nullité du licenciement et en réintégration au sein de l'entreprise concernée. Une salariée a travaillé à partir de novembre 2005 pour une entreprise luxembourgeoise. Le 25 janvier 2007, son licenciement lui a été notifié avec effet immédiat pour faute grave en raison « d'une absence injustifiée pendant plus de trois jours ». Le lendemain, la salariée a indiqué à la société qu'elle était enceinte et que son licenciement était nul en vertu de la protection juridique conférée aux travailleuses enceintes.
En l'absence de réponse de la société et s'estimant victime d'un licenciement abusif, elle a saisi, le 18 avril 2007, le tribunal du travail d'Esch-sur-Alzette (Luxembourg) afin de faire constater la nullité de son licenciement. Le tribunal du travail demande à la Cour de justice, en substance, si le droit communautaire s'oppose à une législation nationale qui, d'une part, soumet l'action en justice des travailleuses enceintes licenciées pendant leur grossesse à des délais brefs, susceptibles de les priver de la possibilité d'introduire une action en justice pour faire valoir leurs droits et d'autre part, les prive de la possibilité, ouverte à tout autre salarié licencié, d'introduire une action en dommages et intérêts contre l'employeur.
La cour rappelle que les États membres sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux personnes qui s'estiment lésées de pouvoir faire valoir leurs droits en justice conformément au principe de protection juridictionnelle des droits conférés aux justiciables par le droit communautaire. Ainsi, les travailleuses enceintes, accouchées et allaitantes doivent être protégées contre les conséquences d'un licenciement qui serait illégal. Les mesures nationales doivent être de nature à assurer une protection juridictionnelle effective et efficace, avoir un effet dissuasif réel à l'égard de l'employeur et être en tout cas adéquates au préjudice subi. Il appartient à la juridiction nationale, qui seule, a une connaissance directe des modalités procédurales de recours en droit interne, de vérifier si ces principes sont respectés.
- Le délai de recours de quinze jours. - Si la CJCE a reconnu que les États membres peuvent fixer des délais raisonnables pour introduire une action en justice, de tels délais ne doivent pas rendre impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par le droit communautaire. À cet égard, les modalités procédurales afférentes à l'action en nullité et en réintégration du salarié licencié semblent entraîner des inconvénients de nature à rendre excessivement difficile la mise en oeuvre des droits que les travailleuses enceintes tirent du droit communautaire. Concernant le délai de quinze jours, la cour considère en effet que ce délai est particulièrement court pour se faire utilement conseiller ainsi que, le cas échéant, introduire une action en nullité ou en réintégration dans l'entreprise. De surcroît, plusieurs jours comptabilisés dans ce délai pourraient s'écouler avant que la femme enceinte ne reçoive la lettre l'informant de son licenciement, dès lors qu'il semblerait que ce délai commence à courir, conformément à la jurisprudence des juridictions luxembourgeoises, à partir du dépôt à la poste de la lettre de licenciement et non à compter de sa réception. Si la juridiction de renvoi venait à considérer, après les vérifications juridiques et factuelles qui lui incombent, que le délai de forclusion de quinze jours ne respecte pas l'exigence de protection juridictionnelle effective des droits conférés aux justiciables par le droit communautaire, ce délai serait contraire à la directive 92/85.
- L'exclusion de l'action en dommages et intérêts. - Selon la juridiction de renvoi, le seul recours ouvert à une femme enceinte ayant été licenciée pendant sa grossesse est l'action en nullité et en réintégration dans l'entreprise, à l'exclusion de tout autre recours en matière de droit du travail, tel que l'action en dommages et intérêts. Dès lors, s'il devait s'avérer, après vérification par la juridiction de renvoi, que les modalités procédurales afférentes à la seule action ouverte en cas de licenciement des travailleuses enceintes ne respectent pas le principe de protection juridictionnelle effective des droits conférés aux justiciables par le droit communautaire, une telle limitation des voies de recours introduit un traitement moins favorable d'une femme lié à la grossesse et constitue donc une discrimination au sens de la directive 76/207/CEE relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes.
Si cette juridiction de renvoi venait à constater une telle violation du principe d'égalité de traitement au sens de la directive 76/207/CEE, il lui incomberait d'interpréter les règles internes de compétence dans toute la mesure du possible d'une manière telle qu'elles contribuent à mettre en oeuvre l'objectif consistant à garantir une protection juridictionnelle des droits que les femmes enceintes tirent du droit communautaire.
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